La flore en Vallée Verte
Parler de la flore de la Vallée Verte, c’est entreprendre un grand sujet. Si elle mérite bien son nom, notre Vallée, c’est dire toute la richesse des plantes qui la colorent.
D’abord sa forêt, envahissant les Voirons et Vuan et les hauteurs environnantes, où se pressent épicéa, sapins, hêtres (fayards) parsemés de sorbiers aux graines éclatantes avec ici ou là des cerisiers sauvages, et qui gagne, petit à petit, les anciennes cultures ou pâturages abandonnés. Elle se prolonge jusqu’à la Menoge, suivant les chemins et les ruisseaux en haies de frênes, de vernes, de saules et d’osiers, et d’une multitude de buissons de noisetiers, d’épines noires, de fusains. On y rencontre encore, ça et là, un érable (plane) et devant certaines maisons, un tilleul aux fleurs utilisées en tisane. De tout temps, on y plantait aussi un lilas. Le chêne se trouve aussi, surtout en bosquets fréquentés par les champignoneurs. Le noyer se fait rare, exploité pour son bois « précieux » et que l’on remplace rarement.
Autour des anciennes fermes, se dressaient partout en vergers, pommiers et poiriers de grand vent, fournissant la boisson de la famille. On en trouve même quelques uns, dans les hauteurs, entourés de sapins, dernier vestige d’une habitation abandonnée depuis longtemps. Tous diminuent en nombre à chaque saison et ne sont plus replantés.
Un peu partout, des trembles profitent d’un terrain humide pour grandir et faire frissonner leurs feuilles. Le sureau, si recherché autrefois se fait bien rare. Parfois dans un coin de forêt, on rencontre un houx tandis que le lierre ne se gêne pas pour choisir son tuteur.
Les gourmands et les gourmets trouvent bien vite le chemin des fraises des bois, des framboises et des myrtilles (à ne pas confondre avec la terrible belladone).
Beaucoup de nouveaux arbres ont fait leur apparition. Autour des villas récentes poussent, aujourd’hui, des essences importées telles que robiniers, thuyas et bien d’autres.
Par contre, dans les jardins avec les fruitiers, se cultivent toujours les cassis et les groseilliers, tant à maquereaux que rouges (les raisins de mars).
Entreprendre d’énumérer les plantes qui verdissent ou colorent les champs et les prés serait une gageure. Il fut un temps où les prairies renouvelées annuellement donnaient beaucoup de graminées artificielles. De nos jours, les nouvelles méthodes de culture permettent aux plantes « indigènes » de reprendre leur territoire, et c’est ainsi qu’en cette saison (mai) les prés sont colorés de jaune grâce aux boutons d’or, épervières, salsifis sauvages, renoncules, etc. Déjà au printemps, les primevères se cachaient le long des haies et les tussilages bordaient les chemins creux jusqu’en montagne, tandis que les populages et les trolles s’éclataient près des marécages. Les chercheurs de muguet trouvaient leur coin secret. La dent de lion émaillait les prairies de ses fleurs jaunes avant de devenir les ombelles chères au dictionnaire et au poète.
Plus tard, dans l’été, ce sera le tour du millepertuis tandis qu’en rouge s’épanouiront les coquelicots. Partout, mais discrets, les géraniums (de Robert ou petits) écloront leurs petites fleurs délicates et la menthe des champs et la sauge des prés montreront leurs teintes bleutées. Dans un coin oublié, un peu humide, la menthe poivrée exhale déjà son parfum.
Rares, parce que trop cueillis, les orchis (tachetés, singe, homme pendu etc,) se font discrèts, et étonnent par leur forme et leur couleur. Les mauves attirent les amateurs de bouquets. Quelquefois, nous pourrons trouver, sur un talus ombré, deux ou trois cephalanthères ou des platanthères éclatant de blancheur sur leur entourage terne.
Il faudrait aussi décrire les gentianes jaunes des pâturages ou la prêle tenace dans les jardins à la terre acide et l’oseille aux feuilles astringentes.
La reine des prés se dresse le long des ruisseaux embaumant l’air ambiant et en tout lieu se balancent fausse ciguë, berce, bourse à pasteur, achillée et plus rarement cumin (recherché par nos ancêtres).
Trop rare aussi et trop cueillie l’ancolie des bords des chemins. Que dire de l’ortie, tant méprisée, tant pourchassée et pourtant pleine de « vertus ».?
Pâquerettes, marguerites sont connues de tous. Je m’en voudrais d’oublier le myosotis aux teintes pastel.
Mais où trouver maintenant les carlines, si connues jadis aux Voirons (elles se mangeaient fraîches comme des artichauts) ou les asperges sauvages.?
Il suffit d’une petite promenade sur les pentes (de l’Adret) dégagées pour admirer auprès du trèfle de montagne, la bruyère aux petites fleurs ; sur les mêmes dévers rocheux, le silène acaule déroule son tapis rose, pour laisser la place, durant l’été, à l’épilobe altière. Quel enfant n’a pas joué à faire éclater les clochettes des silènes enflés, ou cueilli les campanules pour les offrir, ou joué avec les fruits griffus de la bardane.? Citons encore la véronique bleue se glissant dans nos jardins.
Les amateurs de cuisine n’hésiteront pas à rechercher une touffe de serpolet (pour apprêter un lapin) ou plus délicat encore de l’origan. Contre les vieux murs, la chélidoine est là pour faire disparaître cors et verrues (!.!).
Plus discrète, la digitale offrira ses clochettes rosées et la centaurée et la scabieuse égayeront les prairies, tandis que dans les sous-bois, les fougères balanceront leur hampe. Et puis, en automne, avec une pointe de nostalgie, la colchique nous avertira de la fin de la « belle saison ».
Nous avons la chance de posséder une flore riche comme celle des Préalpes. A nous de la respecter et de la faire vivre longtemps.
Trop de circonstances indispensables à la vie moderne raréfient notre herbier.
Profitons-en puisqu’il en est encore temps.
La liste des plantes énumérées est loin d’être exhaustive.